De tous les Indigènes qui peuplaient la Grande Île de Terre de Feu, les Indiens Yámanas étaient les plus petits, avec une taille de 1,44 à 1,64 m, le tronc, les épaules et les bras très développés par rapport à leurs jambes chétives. Ils étaient si peu habitués à marcher sur la terre ferme, qu’ils se tenaient toujours sur une jambe, puis sur l’autre, ne pouvant tenir en place, gênés, gauches, marchant courbés en avant. Indiens de mer, ils utilisaient le harpon (de plusieurs sortes, selon l’objectif), la lance et la fronde, celle-ci avec une adresse incroyable. Par contre ils ne connaissaient pas l’arc. Les coquillages représentaient un grande part de leur nourriture, mais étaient aussi utilisés pour faire des outils.
Les Indiens Yámanas, comme les Indiens Alacalufes, maintenaient en permanence un feu sur un lit de sable dans leur canot. Que le feu vienne à s’éteindre, et c’était le risque de mourir de froid. Faire un feu dans leur abri était une de leurs premières tâches, une fois à terre. Quand une femme donnait naissance à une fille, dès le lendemain, même lors des hivers les plus rigoureux, elle prenait la nouvelle née sur son dos et entrait dans l’eau avec elle, s’immergeant jusqu’au cou. Comme les femmes Alacalufes, seules les femmes Yámanas savaient nager, et ce sont elles qui conduisaient le canot.
Tomas Bridges a compilé plus de 32 000 mots Yagans, la richesse de cette langue est surprenante : tant par son vocabulaire que par sa grammaire. Les Yagans avaient au moins cinq mots pour le vocable « neige » ; pour « plage » encore plus ; le choix du mot adéquat dépendait de plusieurs facteurs, par exemple la localisation de la plage en question par rapport à celui qui parle, ou le fait qu’il y ait des terres ou de la mer entre cette plage et lui, ou encore son orientation. Les mêmes mots changeaient de sens suivant l’endroit d’où on le prononçait ; ainsi, un mot utilisé alors qu’on était dans un canot ne signifiait pas la même chose que quand la personne était à terre. Pour exprimer les relations de famille, les Yagáns avaient au mois cinquante mots, chacun précisant une particularité.
Les Indiens de ce Finistère absolu ont tous disparu au début du 20ème siècle. Les causes de la disparition des Indiens Yámanas ont été multiples ; la faiblesse en particulier de leurs défenses immunitaires contre les maladies des colonisateurs a fait des ravages. La fin de ces peuples fut aussi un effet induit du « développement économique » de la Terre de feu.
A la fin du 19ème siècle, de grandes sociétés capitalistes, anglaises notamment, avaient acquis en Terre de Feu des millions d’hectares. Pour y élever un animal aussi pacifique que le mouton. Il fallut d’abord massacrer ou faire fuir vers les montagnes les troupeaux de guanacos, des herbivores sauvages qui « volaient » l’herbe des moutons et abîmaient les clôtures. Mais les guanacos servaient de nourriture aux Indigènes de l’intérieur des terres.
Faute de guanacos, les Indiens Yámanas se mirent à manger du mouton et à abîmer des clôtures, violant ainsi le droit de propriété et provoquant un accroissement des frais généraux. On abattit ces nouveaux « prédateurs » jusqu’à ce qu’ils perdent l’habitude de manger du mouton. Au bout d’un certain temps ils ne mangèrent plus rien du tout… Ceci fut à l’origine d’un véritable génocide : les éleveurs payaient les chasseurs 1 livre sterling par paire d’oreilles…
Découverte par Magellan, la Terre de Feu fut la terre des Indiens Yámanas (Yagans)